Et au milieu de la steppe : Elista !

- Catégories : Villes de Russie

Naturellement, la Russie ne se résume pas à Saint-Pétersbourg, Moscou et les plaines de Sibérie. Un si grand pays est riche de sa diversité.

Justement, connaissez-vous la Kalmoukie et sa capitale Elista? Non? Alors en route pour la steppe !

A 5 heures de Rostov, plein est : bienvenue en Kalmoukie !

Elista n'est pas une destination touristique, et si la ville ne s'était pas trouvée sur ma route pour aller de Rostov à Astrakhan, il est probable que je ne la connaîtrais pas non plus. En revanche, après y avoir fait étape à l'aller et au retour lors de mon périple dans le sud de la Russie en 2012, j'y suis retournée trois ans plus tard, le temps d'un week-end avec des amis.

Le prétexte de ce voyage? Le festival des tulipes sauvages ! Le lieu d'hébergement? Un camp nomade reconstitué où j'avais pris un thé en 2012 et où je m'étais promis de revenir dormir. Impossible de dormir sous la yourte, en revanche, une maison en bois sans eau courante (mais avec un banya !) et les toilettes au fond du jardin nous attend pour le weekend. Avec en prime, chevaux et chameaux !

 


Le camp nomade reconstitué: café, restaurant et même étape pour la nuit. A l'entrée d'Elista

Elista, c'est une petite ville dans la steppe, qui compte environ 100 000 habitants, fondée en 1865 à l'origine sous forme de campement. Elle n'a le statut de ville que depuis 1930. En 150 ans d'existence, elle a une histoire déjà longue et un certain nombre de curiosités, qui méritent qu'on y fasse un saut si on est dans le sud de la Russie.

Lignes droites et steppe à perte de vue. En route vers Elista...

L'histoire tragique commence dans les années 1930: Elista obtient le statut de ville sous la pression de la collectivisation stalinienne, ce qui a pour effet de forcer un certain nombre de Kalmouks - à l'origine nomades - à abandonner le pastoralisme pour se sédentariser en ville.

Puis Elista est occupée quelque temps par les Allemands en 1942 - elle est le point le plus à l'est atteint par les Allemands en URSS. Cette période marque un tournant, avec la déportation d'une grande partie de la population kalmouke vers des camps en Sibérie, pour collaboration supposée avec l'occupant. Entre-temps, la ville est peuplée par des Russes, change de nom pour devenir Stepnoy. Ce n'est qu'en 1957 que les survivants de la déportation sont autorisés à revenir et que la ville retrouve son nom d'origine. 

La ville connaît un début de renommée internationale en 1998 avec l'organisation des 23èmes olympiades d'échecs. En effet, l'une des attractions de la ville est son quartier "Chess City" ou "Ville des Echecs", un peu en périphérie, que l'on doit à l'un des gouverneurs de Kalmoukie, passionné d'échecs, et président de la Fédération Internationale d'Echecs. On trouve aussi un échiquier géant au centre de la ville.

Chess-City

Elista est également connue pour ses temples bouddhistes: la ville en compte deux. En effet, une grande partie de la population Kalmouke est bouddhiste, et la ville a d'ailleurs accueilli le Dalaï Lama à plusieurs reprises. Le premier temple, longtemps le plus grand d'Europe, se trouve à quelques kilomètre de la ville, dans la steppe. Il est visible d'assez loin, compte tenu du relief plat, ce qui donne une première impression assez inattendue quand on arrive de Rostov. Le deuxième temple, inauguré en 2005, est devenu le plus grand d'Europe, prenant la place de son voisin distant de quelques kilomètres. Ce temple est construit en ville, et il ne peut pas vous laisser indifférent, et par sa taille, et par le silence qui s'y impose au milieu du tumulte de la circulation locale. L'influence bouddhiste est bien présente en ville: de nombreuses statues jalonnent les parcs notamment. 

 

Le temple bouddhiste originel, un peu à l'écart de la ville en arrivant de Rostov

Et le nouveau temple bouddhiste, dans la ville. Le plus grand temple bouddhiste d'Europe


La ville est jalonnée de nombreux symboles bouddhistes

Le festival des tulipes sauvages

Le but de ce road trip était une autre curiosité d'Elista - du moins de sa région - qui se produit en avril : le festival des tulipes sauvages. Ce qui surprend le touriste, c'est l'environnement a priori hostile pour que des fleurs poussent dans cette région : c'est de la steppe, sèche, parsemée d'étendues de sel, où on ne voit parfois par un arbre pendant des kilomètres. La région ayant par ailleurs un climat continental prononcé et se trouvant exposée au vent, il n'est pas surprenant que la végétation n'y pousse pas à la verticale.

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Etendue de sel sur la piste des tulipes

Ce festival n'est pas très connu à Elista, il faut le reconnaître. Nous avons probablement demandé à 10 personnes où il se trouvait avant de finalement obtenir une réponse fiable : il se trouve à une centaine de kilomètres - la distance en Russie, ne jamais perdre de vue l'immensité du pays... Prenez la route de Rostov (l'autre, car il y en a deux et nous étions arrivés par la première), dans un village dont j'ai oublié le nom, tournez à droite et prenez la piste, suivez le flot de voitures, vous ne pouvez pas vous tromper. De toutes façons, nous devions rentrer à Rostov le soir même, donc autant prendre l'autre route. De fait, il fallait bien tourner à droite, c'était même indiqué et payant. Petit détail savoureux : il y avait pas loin de 50 kilomètres de piste, à suivre des voitures qui soulevaient des panaches de poussière.

La piste passe un peu plus haut, nous avons fait une halte pour marcher sur l'étendue de sel

Mais ça valait le coup de rouler fenêtres fermées par une température approchant les 35 degrés pour ne pas avaler toute cette poussière : il y a bien un festival, et il y a bien des tulipes sauvages. Au bout d'une quarantaine de kilomètres de piste, la végétation change, elle devient verte, avec de l'herbe à perte de vue. Influence de la rivière qui coule juste à côté. Et dans cette immensité verte, des points de couleurs : jaunes, rouges, oranges, blancs. De petites tulipes, parfois seules, parfois en tapis. Puis des centaines de voitures, de tentes plantées un peu partout, des stands de nourriture, de glaces (au milieu de la steppe, les groupes électrogènes tournent à plein régime pour alimenter les congélateurs et les réfrigérateurs), une odeur de barbecue reconnaissable entre mille, des personnes en costume traditionnel, des danses, des spectacles et même une initiation au tir à l'arc. Nous sommes au milieu de la steppe, à 50 kilomètres du premier village, plus de 100 kilomètres d'Elista et 400 kilomètres de Rostov et un village éphémère s'est créé !

 

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Les tulipes sauvages dans la steppe

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Le village éphémère, et les activités sur place

Après cette étape haute en couleur, nous devons rentrer à Rostov. Deux options s'offrent à nous: la première, raisonnable : prendre la piste de l'aller et récupérer la route nationale. La deuxième, moins raisonnable: prendre la piste à travers steppe pour récupérer l'autre route nationale 120 kilomètres au nord. Avantages de la deuxième option: un petit goût d'aventure et surtout l'assurance de ne pas se reprendre toute la poussière puisque personne ou presque ne passe par là. Deux vérifications s'imposent: avons-nous de l'essence et avons-nous de la batterie dans le GPS russe (oubliez mon TomTom pour traverser la steppe, il ne cartographie pas les pistes)? Oui ! A l'unanimité des 5 passagers, nous voilà partis dans la steppe.

Itinéraire retour, c'est parti !

La piste est toujours carrossable car elle est assez utilisée. Il y a de petits hameaux tous les 8-10 kilomètres. Seulement, ça c'est quand il y a une piste... Et surtout quand il y a des indications...

Besoin du GPS...

Au bout de 60 kilomètres de road trip, le GPS doit prendre le relais. Et parfois, nous coupons directement à travers la steppe car la piste a disparu. Rien de bien inquiétant : c'est plat, très sec et sans aucune végétation. On pourrait rouler comme ça jusqu'à Rostov. Le voyageur (im)prudent devient parfois raisonnable: quand on voit enfin une présence humaine à côté d'une maison, nous envoyons Anton demander si nous sommes dans la bonne direction. Pourquoi lui? Les 4 autres passagers étaient deux Français, un Américain et un Espagnol. La scène déjà surréaliste de ma voiture apparaissant dans la steppe dans la lumière du soleil descendant aurait été totalement digne des plus grands films du genre si on s'était adressé à ces personnes en russe avec un accent étranger à couper au couteau !

On est au milieu de la steppe, à demander notre chemin à des éleveurs. Bien que très isolée, la maison a l'électricité.

Ouf, nous sommes dans la bonne direction. Encore une petite heure à ce rythme, et nous arrivons dans un village, sur la route nationale. Presque tout bon : nous sommes 10 kilomètres plus à l'est que nous le pensions et le visions. Notre routage est encore un peu perfectible. Il ne nous reste plus que 270 kilomètres à faire pour arriver à Rostov, de nuit, et en nous réhabituant à ne pas être seuls au monde... 

Caroline

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