Carte postale de Russie : Le Maître et Marguerite

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Vous avez peut-être déjà été frappés par l’importance qu’a la littérature en Russie ? Pour ma part, j’ai vu des dizaines de Russes commencer à réciter des poèmes de Pouchkine, des vers de poètes russes dont j’avais vaguement entendu parler et qui sont des auteurs majeurs dans leur pays. Et surtout, j’ai découvert la passion parfois sans bornes et toutes générations confondues pour Mikhail Boulgakhov et son chef d’œuvre Le Maître et Marguerite.

A la limite de la bourde diplomatique...

Je connaissais ce livre sans le connaître avant d’aller vivre en Russie, mais je ne l’avais pas lu. J’avais presque eu l’impression de commettre un sacrilège en l’annonçant candidement à des amis russes lors d’une soirée animée, où la littérature avait trouvé une place de choix comme souvent.

Je suis une lectrice compulsive, et j’ai lu probablement à peu près tous les livres classiques de la littérature européenne et américaine. Sauf que je n’avais pas lu Boulgakhov, je m’étais arrêtée à des auteurs plus classiques (en France) de la littérature russe. Il y a des dizaines d’éditions du Maître et Marguerite en russe, mais il n’y en a pas une seule que je sois capable de lire en version originale - ma maîtrise de la langue ne me le permet évidemment pas.

Alors on a profité d'un passage à Annecy avec deux amis russes, et on s'est mis en quête d'une version française avec des notes explicatives, car ce chef d’œuvre nécessite quelques explications de texte.

On a trouvé ce livre à La Procure, un après-midi de décembre 2014, totalement par hasard. J’étais avec mes deux amis, et un libraire d’une soixantaine d’années, ce dernier se trouvant être un inconditionnel de ce livre. Une longue discussion sur Boulgakhov et la Russie plus tard, j’avais mon exemplaire du livre et pouvais enfin rattraper cette bourde diplomatique !

L'impact du Maître et Marguerite

Quand j’écrivais que je le connaissais sans le connaître… Il a inspiré un nombre incalculable d’œuvres depuis sa parution à la fin des années 1930. Juste pour la musique, citons les Stones : Sympathy for the Devil ou Franz Ferdinand : Love and Destroy. Mais il y en a des dizaines d’autres !

Ce livre est aussi incroyable car il a été écrit entre la fin des années 1920 et la fin des années 1930, dans une période très sombre de l’URSS. Il est assez inclassable, car c’est à la fois une critique politique et sociale, un livre burlesque, un conte fantastique, une histoire d’amour, voire à certains moments, un livre d’histoire(s).

Boulgakhov a écrit plusieurs versions de ce livre, détruites pour diverses raisons (insatisfaction de l’auteur, censure, etc). La quatrième est celle que nous connaissons, elle a été terminée par sa femme car Boulgakhov est mort avant d’y avoir mis le point final. Le livre a été partiellement censuré, mais les morceaux censurés furent publiés dans des journaux clandestins, avec un mode d’emploi pour les remettre dans l’ordre.

Ce livre n’est d’ailleurs pas le seul à avoir été publié selon la tradition du samizdat (« Le Docteur Jivago » de Pasternak en est un illustre exemple).

La particularité du roman de Boulakhov est la mise en abyme entre différentes histoires et époques, dont certains personnages sont le fil conducteur. L’objet de cet article n’étant pas une critique littéraire du livre, je vous laisse volontiers découvrir par vous-mêmes la richesse et la complexité de cette œuvre. Vous pouvez en avoir un aperçu assez détaillé sur la fiche Wikipedia qui lui est consacrée. 

Boulgakhov à Moscou

Ce qui m’a frappée en Russie, c’est la présence très forte de Boulgakhov et de son œuvre dans le pays, à Moscou en particulier. Je suis tombée totalement par hasard (et avant d’avoir lu le livre) sur un curieux panneau à côté de l’Etang des Patriarches, en 2013 il me semble. C’est mon attrait pour les panneaux saugrenus qui m’avait fait immortaliser celui-là, malheureusement, j'ai perdu la photo et ne l'ai jamais revu malgré mes nombreuses balades dans le quartier.

Autre endroit incroyable : l’appartement de Boulgakhov. Sans aucune exagération, c’est un lieu de culte pour de nombreux Russes. Les murs de la cage d’escalier sont intégralement recouverts de citations, de remerciements, de mots et de dessins, notamment du fameux chat noir Béguémoth (l’un des personnages centraux du livre), du rez-de-chaussée jusqu’au 4ème étage où se trouve l’appartement. Et devinez ce qu’il s’est passé quand j’ai poussé la porte de l’appartement (c’est un musée) ? Un gros chat noir est sorti sur le palier !

Certains Russes sont des inconditionnels du Maître et Marguerite et l’ont parfois lu une vingtaine de fois. Il est vrai que ce livre a plusieurs clés de lecture, et selon votre sensibilité, peut être interprété différemment. Certains de mes amis ont lu ce livre plusieurs fois depuis leur adolescence, et me disent qu’il leur procure à chaque fois des émotions extrêmement intenses. Ce n’est pas mon cas, mais à voir leurs yeux briller dès qu’ils parlent du livre, je les crois sans aucune difficulté.

Je ne sais pas si vous avez déjà lu ce livre de Boulgakhov pour votre part, mais si ce n’est pas le cas, je vous conseille de lire ce qui reste pour moi un ovni littéraire – mais un ovni génial. Et si possible, lisez-le dans une édition expliquée et annotée, car même les noms des lieux et des personnages ont une signification et méritent d’être expliqués pour essayer de comprendre l’incroyable subtilité de ce livre. Et puis, quand vous passerez près de l’Etang des Patriarches de Moscou, si vous voyez mon fameux panneau, n’hésitez pas à m’en envoyer une photo !

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Caroline

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