Tout savoir sur le Transsibérien

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Le Transsibérien sur le fleuve Amour - (c) Konstantin Baydin - Adobe Stock

Nom magique s’il en est, le Transsibérien est une évocation du voyage au long cours…

Connaissez-vous l’origine de ce train mythique ?

En 1890 les chemins de fer russes disposaient de quelque 30 000 km de voies ferrées soumises à une gestion originale mi publique-mi privée tout-à-fait satisfaisante, mais la partie asiatique de l’Empire, au-delà de l’Oural, demeurait désespérément vide et ses ressources inexploitées.

L’idée germa donc dans la tête des dirigeants : construire une voie ferrée qui traverserait la Russie orientale depuis Moscou jusqu’à l’océan Pacifique, à Vladivostok : le projet gigantesque du chemin de fer Transsibérien commençait à prendre forme. A ce propos, savez-vous d’où vient le nom de cette ville du Pacifique ? Vladivostok signifie « posséder l’Est » selon l’étymologie russe, ce qui illustre parfaitement l’objectif du Transsibérien.

On appelle ainsi la voie ferrée d’une longueur totale de plus de 9 000 km (presque le quart du tour de la Terre) qui relie Moscou à Vladivostok en traversant près de 1 000 gares dont chaque train en dessert environ une cinquantaine. Le voyage, aujourd’hui dure de 6 jours pour le train le plus rapide (le Rossiya) jusqu’à 9 jours. Aujourd’hui il ne faut guère plus que 9 à 10 heures en avion, à rapprocher aux presque 12 mois qu’il fallait compter par voie de terre avant l’apparition du train.

La gare de Valdivostok - Adobe Stock

Sa construction fut décidée par le Tsar Alexandre III le 17 mars 1891 (après la pose d’un premier tronçon entre Samara et Oufa) en partant des deux extrémités d’alors, Tchélabinsk à l’ouest et Vladivostok à l’est. Elle s’achèvera le 5 octobre 1916, soit 25 ans plus tard. Ce train devait permettre, entre autres, de développer la Sibérie en limitant les famines et renforcer l’influence russe sur les Chinois afin de pouvoir mieux contrôler leurs visées d’expansion sur ces terres si éloignées du pouvoir central. La Chine avait déjà commencé à construire de son côté une voie ferrée, qui ne sera finalement terminée qu’après la mise en exploitation du Transsibérien. Sur l’océan Pacifique cette ligne a aussi conduit à la création d’une très importante base navale à Vladivostok.

La France et la Russie s’allient sur ce projet dès 1892 et l'aide des emprunts français (on parle chez nous des emprunts russes) et la Compagnie Internationale des Wagons-lits, qui construisit les premiers wagons dans son atelier de Saint-Denis, vont jouer un rôle de premier plan dans le financement du projet. Lors de l'exposition universelle de Paris en 1900, un train Scotte (train routier) avait réussi l'exploit de tracter 4 wagons de 22 mètres de long et 35 tonnes chacun, en gravissant des pentes à 8 %. La Compagnie des Wagons-lits les avait fait construire spécialement à Saint-Denis pour le Chemin de Fer Transsibérien, les conduisant en seulement trois heures, jusqu'au Trocadéro à Paris.  

Le tracé du Transsibérien en 1904 - domaine public, Wikipédia

Fabrication des wagons à Paris - Collection Jules Beau - domaine public - Wikipédia

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Les difficultés furent immenses et de toutes sortes, en particulier à l’arrivée au lac Baïkal, le plus profond du monde. Jusqu’à la construction d’une ligne de contournement par la rive sud terminée en 1904, il fallait traverser le lac par tous moyens, avec en hiver l’appui d’un brise-glace. Plus loin, le train traversait la Mandchourie et rejoignait les chemins de fer chinois sur lesquels il fallait changer les essieux puisque l’écartement des rails en Chine est inférieur à celui des chemins de fer russes. La Russie est l’un des rares pays au monde à avoir un écartement de voies plus larges. L’histoire dit que pour se prémunir d’une nouvelle invasion comme lors des guerres napoléoniennes, la Russie décida d’avoir un écartement de voies différent pour éviter une invasion par train.

Des travaux pharaoniques au cours desquels il a fallu abattre des forêts, franchir des dizaines de fleuves et en détourner quelques-uns, niveler le sol, creuser des tunnels, construire des ponts, tout cela avec des machines rudimentaires disponibles à l’époque, puis apporter les matériaux nécessaires pour pouvoir poser la voie en bravant la neige, le froid glacial et le vent …. La température pouvant en effet descendre jusqu’à - 50 °C en Sibérie.

Puis en 1932 la Russie perdit le contrôle de la Mandchourie et la construction d’une autre ligne, de plus de 4 000 km de long et située plus nord, fut décidée par Staline pour relier plus directement le lac Baikal au fleuve Amour et à l’océan Pacifique. La « Magistrale » véritable chantier du siècle devait être terminée en 4 ans mais les difficultés ont été telles que, même en ayant recours massivement au travail forcé, il a été abandonné en 1937 puis repris seulement en avril 1974 pour être terminé en 1989, soit 53 années après son ouverture (!) et 2 ans avant l’éclatement de l’URSS.

Depuis, le Transsibérien traverse le fleuve Amour sur un pont métallique (surmonté depuis par un pont routier) à Khabarovsk, au terme d’un trajet exclusivement russe désormais.  

Le long de la voie principale de nombreux embranchements desservent des villes en retrait tout en soulageant le trafic.

La gare d'Ulan-Ude (archives personnelles)

La longueur du voyage justifie un wagon restaurant (avec samovar) dans chaque train et à l’époque des Tsars, une voiture église était souvent insérée dans les convois.

Le budget colossal des travaux demeure sujet à controverse. Certaines sources disent que la liaison Moscou-Vladivostok aurait coûté 330 millions de roubles de l’époque (environ 6,5 milliards d’euros aujourd’hui), soit 1,5 année de budget de l’Empire Russe à l’époque, quand d’autres sources affirment  que le coût total aurait atteint plus de 1 milliard de roubles de l’époque (environ 20 milliards d’euros d’aujourd’hui), et près de 5 ans du budget annuel de l’Empire Russe…

Prendre le Transsibérien de nos jours

C’est un voyage qui fait rêver nombre d’entre nous… Le Transsibérien part tous les deux jours de la gare de Yaroslav à Moscou, direction l’Est. Il existe des variantes de ce train qui vont en Chine via la Mongolie et en Corée du Nord.

Pékin - Oulan Bator - Moscou. Un très long périple ! (Adobe Stock)

Pourtant, avant de se lancer dans une telle aventure, il faut absolument garder en tête quelques éléments :

  • Même le trajet le plus rapide dure plus de 6 jours. 6 fois 24 heures, que vous partagerez très probablement avec des voisins inconnus, à moins que vous n’ayez le budget pour vous offrir une cabine privée en première classe…

  • Le prix… Un billet pour avoir le charme d’être bercé par le bruit du train pendant près d’une semaine coûte aussi cher qu’un billet d’avion Moscou-Vladivostok.

  • Les arrêts en gare durent de quelques minutes à quelques dizaines de minutes. Vous n’aurez que peu l’occasion de vous dégourdir les jambes et encore moins de visiter les villes. De plus, en Russie, les gares ne sont pas toujours situées en centre-ville.

  • La première étape incontournable sur le trajet est Iekaterinbourg, à 37 heures de train à l’est de Moscou, dernière ville avant de passer l’Oural et d’entrer en Asie. Les billets de RZhD (les chemins de fer russes) vous permettent généralement de faire une étape de quelques jours sur votre trajet. Vous aurez peut-être envie de vous recueillir dans la ville où Nicolas II et sa famille furent assassinés, visiter le musée Eltsine, ou bien de garder cette option pour visiter Irkoutsk, en Sibérie. Personnellement, je préfère Irkoutsk, « la petite Paris de la Sibérie » à Iekaterinbourg qui est une grande ville industrielle et commerciale bien que sans charme particulier.

  • Prévoyez de quoi vous occuper. Le réseau wi-fi ou 4G est très irrégulier, et n’oubliez pas qu’en dehors des grandes villes, la Russie, et particulièrement la Sibérie, est vide. Vous aurez toujours des prises pour recharger vos appareils électriques et un samovar où bout de l’eau dans chaque voiture, mais à part la voiture restaurant, c’est à peu près tout ce dont vous disposerez à bord du train…

  • Les toilettes et les douches sont très inégales selon le type de train et la classe dans laquelle vous voyagez. Pensez-y en achetant votre billet car au risque de me répéter, le voyage dure une semaine…

  • N’oubliez pas que dans chaque voiture de chaque train en Russie, il y a un ou une employée des chemins de fer russes qui est chargée de l’intendance, la sécurité et à peu près tout le reste. Le plus souvent, c’est une femme. Parfois très sympathique, parfois moins… Le personnage est tellement connu en Russie qu’il fait l’objet de beaucoup de plaisanteries. Elle contrôlera votre passeport et votre billet chaque fois que vous monterez dans le wagon (pensez-y quand vous descendrez du train pour vous dégourdir les jambes ou acheter quelque chose…), vous apportera votre paquetage (draps et serviettes), viendra vous proposer du thé assez souvent, et reprendra votre paquetage un peu avant l’arrivée du train à votre gare de destination – et pas question de garder en souvenir une serviette ou un drap, elles ont pour consigne de les compter lorsque vous les leur rendez.

  • Vos voisins seront probablement russes. Logique me direz-vous. Pour la conversation, à moins de parler couramment la langue de Pouchkine, ça peut vite être limité. En général, un jeu de cartes, quelques victuailles à partager, voire une bouteille de vin ou d’alcool aident à briser la glace. Les Russes vous proposeront toujours de partager ce qu’ils ont, surtout dans un si long voyage.

  • Et enfin, n’oubliez pas que le trajet dure 9 000 kilomètres. Les paysages vous paraîtront sûrement dépaysants au début, puis de plus en plus monotones. Il n’y a rien qui ressemble plus à une forêt de bouleaux, qu’une autre forêt de bouleaux (et vous comprendrez vite pourquoi c’est l’arbre national de la Russie) et un lopin de toundra à un autre lopin de toundra.


     

Les compartiments de seconde classe - Samovar (photo de droite) - Archives personnelles

Mais si vous avez le temps, le voyage vaut l’expérience, et il sera inoubliable. Et si vous n’avez pas le temps, vous pouvez aussi emprunter le Transsibérien sur un tronçon du trajet pour découvrir le charme du voyage au long court dans un train couchettes.

 

Les maisons en bois d'Irkoutsk - Archives personnelles

 

 

L'île d'Olkhon sur le Baïkal : des paysages à couper le souffle, et une tradition chamanique

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Le Transsibérien est un prétexte pour découvrir la Russie. Vous pouvez faire une étape de plusieurs jours à Iekaterinbourg pour des splendides randonnées dans l’Oural, découvrir Novossibirsk ou Krasnoïarsk en Sibérie (ce sont des villes de plus d’un million d’habitants), visiter le Lac Baïkal et l’île d’Olkhon – où l’eau courante n’est pas encore arrivée – depuis Irkoutsk. Et bien sûr, goûter les spécialités de chaque région et profiter du bania (sauna) russe à chacune de vos étapes. Si vous avez la chance de visiter la Sibérie en été, vous trouverez quantité de fruits « rouges », notamment des fraises jaunes, et des airelles. Vous pourrez également goûter au poisson endémique du Baïkal, l’omoul, à la chair fine et délicieuse. Et vous découvrirez de nouvelles saveurs et odeurs à chaque étape, la variété est à l’image du pays : infinie !

N'hésitez pas à partager avec nous votre expérience du Transsibérien !

                                                     

                                                                                                                                         Daniel et Caroline

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